Climat : euphorie, vraiment ?
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Loin de moi l'envie de calmer les ardeurs d'Avaaz et des millions de personnes qui, avec eux, se mobilisent pour faire pression sur les dirigeants mondiaux pour exiger une réponse ambitieuse au réchauffement climatique. Mais là je dois dire qu'ils y sont allés un peu fort. Je peux comprendre le bluff nécessaire à la mobilisation des troupes, mais un peu de mesure est parfois de rigueur pour coller avec la réalité des faits.
En ce sens, l'article "du G7 à Paris : Adieu, énergies fossiles" a un peu dépassé la frontière du bon sens et de l'analyse critique... Il nous laisse croire qu'une victoire essentielle vient d'être remportée, que les énergies fossiles vont disparaître, que tous nos dirigeants des grandes puissances sont conscients et engagés à solutionner le problème dans les six mois qui viennent, et aussi que le réseau Avaaz et les millions de citoyens dont ils ont reflété les idées - comme moi - a contribué massivement à ce résultat... Gardons un peu la tête froide !
Si l'on s'en réfère directement au texte de la déclaration, et qu'on la remet dans le contexte des négociations sous la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique, je pense malheureusement qu'il faut remettre les lendemains qui chantent... à demain. La déclaration du G7 est, certes, truffée de bonnes intentions : ambition globale de réduction des émissions "en haut de la fourchette" pour 2050 en ligne avec les conditions raisonnables pour éviter un cataclysme majeur (bel effort !), nécessité de décarboner l'économie au cours du siècle, et empaqueter le tout dans un accord contraignant à la COP21 de Paris. Bien.
Maintenant, parler d'ambition globale nécessite de s'accorder avec les grands émergents sur le partage du fardeau. Dans cet article le représentant du Groupe Afrique regrette que les objectifs ne soient pas plus ambitieux et parle de 40% d'ici à 2020, mais oublie de préciser que comme toujours l'Afrique restera solidaire de la Chine dans le cadre du G77 pour... ne pas prendre d'engagements globaux - parce que ça revient à attribuer aussi des engagements à ces grands émergents fortement climativores. Surtout que ce n'est pas avec les niveaux pour le moins timides voire franchement décevants des engagements nationaux de ces mêmes pays du G7 (Canada et Japon en tête) que les chinois manqueront d'arguments pour esquiver les engagements contraignants qui fâchent, tout en sécurisant leur partenariat diplomatique avec les pays en développement sur la question...
Ensuite, décarboner l'économie, c'est comme annoncer 100 milliards de dollars annuels pour le climat à partir de 2020, ou encore comme l'enfer : pavé de bonnes intentions, mais assez peu crédible, surtout quand on n'en voit même pas les pavés... En gros: comment on s'y prend ? Mais comme avec les 100 milliards pardi ! On se tourne vers le secteur privé et on croise les doigts pour qu'ils trouvent de bonnes raisons (i.e. des opportunités de profits élevés et pas trop risqués) de mettre l'argent sur la table. Après tout, on leur a donné les clés de la création monétaire, ils pourraient quand même faire un effort...
Pendant ce temps, à Bonn, les conférences techniques se suivent et se ressemblent. A Copenhague déjà on nous disait de garder espoir, que les enjeux étaient trop grands pour échouer - un argument à la Lehman Brother. Même argument, même destin ! La gueule de bois était terrible... mais a permis d'accorder tout le monde sur l'approche anglo-saxonne d'engagements volontaires pour débloquer à nouveau la machine des négociations, ouf ! Soyons honnête, le tandem franco-péruvien semble mieux préparé et plus à même de permettre à la Convention d'accoucher d'un accord, et même d'un accord contraignant, en décembre 2015. Mais qu'y aura-t-il dans cet accord ?
De belles intentions, très certainement ! Mais encore tellement de flou artistique en ce qui concerne les moyens de nos ambitions cosmétiques... Pourquoi ? Parce que le dogme et carcan néolibéral dans lequel nos élites sont emprisonnées empêche de prendre les défis par le bon bout des solutions - elle vaut une "à l'insu de mon plein gré" celle là : Logique compétitive dominante pour maintenir les intérêts relatifs entre les pays, tabou absolu sur les prélèvements internationaux pour financer la lutte contre le changement climatique, avancées timorées sur la propriété intellectuelle qui empêche tout New Deal technologique comme on a pu le voir avec les médicaments génériques dans une certaine mesure, avec des résultats pourtant encourageants. Non ! Il faudra s'en remettre à l’appétit des investisseurs internationaux, et... aux gouvernements des pays du Sud pour bien ouvrir et déréguler leurs marchés pour les attirer. Parce que "chez ces gens là", décarboner l'économie, l'énergie, les transports, les infrastructures, l'accès à l'eau, la gestion des déchets etc. veut avant tout dire privatiser les biens communs, et tous les secteurs y compris stratégiques, qui sont à la base du développement des sociétés et du bien-être humain. La Banque Mondiale et le FMI s'en frottent déjà les mains... Le réchauffement climatique, une affaire qui doit rapporter ! Encore et toujours...
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